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Pensées éparses
4 août 2010

Voyager c'est l'ivresse

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J'ai pris le train et je suis tombée amoureuse. Mon billet à la main, je me suis assise. Côté fenêtre. Une si grande fenêtre que plus tard, j'aurais bien pu croire que j'étais cet être qui avançait à une allure folle entre les pins scandinaves. Mais ça je n'avais pas encore compris à quel point c'était important.

Alors j'ai simplement regardé s'éloigner la froide Oslo. Et quand la ville et sa banlieue se sont fondues dans les forêts résineuses, j'ai sorti un livre. Et nous avons roulé. Roulé. Mes yeux se soulevaient de temps en temps sur un monde vert et replongeaient rapidement dans un autre. Un monde blanc, celui de la Russie de Tchekhov. Roulé. Et le train a commencé à s'élever le long de la montagne farouche. Roulé. Cent mètres. Deux cent, trois, quatre, cinq, six, sept. Roulé. Huit peut-être, je ne sais plus bien.

Et là, quelque part entre peut-être huit cent mètres et mille, j'ai aimé. C'était là. Sous mes yeux, sous mes pieds, presque palpable.  Et se sont déroulés les paysages que jamais je n'oublierais. Pas un de ceux que l'on peut qualifier de paradisiaques. On ne pourrait assurément s'y  abandonner avec volupté, de peur que ceux-ci nous dévorent. Des landes vertes, balayées et fouettées par des pluies abondantes, où des torrents arrachent les ponts de fortune et bousculent les pierres qui en garnissent le lit. Où des roches éboulées piétinent l'herbe grasse, où des sommets déchirés arborent fièrement quelque neige éternelle. Et comme par magie, des maisons, égarées par un géant qui serait passé là. Quelques maisons, si peu en vérité. Et un ciel gris à se damner. Un gris de fin de monde, lumineux dans le fond, noir sur le devant. Et toujours cette pluie, apporté par ce vent qui fait courber toute la végétation du plateau. Et tandis que l'herbe se courbe et se recourbe, les folles rivières grondent. Et d'un même mouvement, la nature semble nous envelopper. Tout complote à nous faire disparaître.

Une beauté irréelle, brute, sauvage et déserte. Cruelle. Une beauté sans aucune concession, qui nous hurle tout ou rien. Et c'est tellement fort, tellement intense, qu'on pourrait en pleurer. Mais on ne pleure pas, jamais, parce qu'on sait que tout cela serait inutile. On ne joue pas au jeu des émotions ici. Tout ce qui est plus faible que cette eau, que ce vent ,que cette terre, que cette pierre, en est exclu. Amour impossible. Jamais réciproque. Jamais consommé. Peut-être que si l'on marchait, jour et nuit, que l'on oubliait son propre nom, peut-être alors que... Mais ce n'est pas assez. Non. Se jeter du sommet de la cascade qui s'écoule hors de ces hauts plateaux. Fracasser ses os sur les rochers, six cent mètres plus bas. Et disparaître. Emporté par l'eau. Avoir été deux. Et n'être plus qu'un. Et tout comprendre alors.

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